informations générales
37 rue Chanzy
Paris
- Personnes à mobilité réduite, Personnes malvoyantes, Personnes malentendantes
- Gratuit
- Du 15/02/2024 à 18:00 au 15/03/2024 à 19:00
EXPOSITION
Les sculptures d’Isabelle Caltot ne manquent pas de toupet (certaines en ont même un sur la tête). Elles font feu de tout bois, ou plutôt de tout fil, clou, clef, ciseau, serrure, couteau. Elles sont joyeuses et drôles, bariolées, concentrées, touffues et indécises. Elles donnent envie de devenir toute petite, de rétrécir comme Alice pour plonger dedans comme on le faisait jadis dans le foin. On se sent au milieu d’elles dans l’univers magique des anciennes merceries, des bacs à peluches et des marchands de bonbons. Tous les trésors du monde amassés au fond des poches ou des cartables.
C’est un monde de matières. On a envie de toucher. Les matières appellent des gestes, des techniques de la main : broder, démêler, ravauder, coudre, embobiner, ramasser, débobiner, enfiler, carder, lainer, rafistoler. La mémoire passe par le corps. Nos vies contemporaines ont perdu presque tous les gestes qui pourraient les raccorder au passé. Isabelle Caltot ne se résigne pas à la perte manuelle de la mémoire. Avec ses fils, elle nous relie. Elle donne une vie seconde aux objets secondaires, aux restes, aux rebuts.
Ce sont des gestes pauvres, qui ont cessé d’être transmis. Les dégâts faits à la terre sont grandement liés à l’oubli de ces gestes. Ils produisent ici une sorte d’art premier où l’on voit l’expérience immémoriale de la pauvreté. Il y a une vérité de l’histoire dans les déchets, dans les traces les plus humbles des existences les plus humbles. Isabelle Caltot appartient à cette lignée de chiffonniers qui arpentent le monde avec leur hotte et leur crochet pour archiver nos vies à partir de ce que nous laissons tomber.
En 1972, Annette Messager intitulait « Les pensionnaires » les petits oiseaux empaillés qu’elle avait emmaillotés dans des mini pullovers de laine. La force de cette installation tenait à la proximité de la vie et de la mort, à la vulnérabilité des êtres et du soin qu’il faut en prendre, même quand ils sont morts. Cet univers féminin et intime est aussi celui d’Isabelle Caltot, même si le sien est moins lugubre. Ses sculptures incorporent l’oiseau et le tricot, enchevêtrent la tête et le fil, l’animal et la laine. Elles donnent un imaginaire insolite à la vie nouvelle. Les choses mortes peuvent renaître.
Tiphaine Samoyault