Qui a peur des sciences sociales ? Libertés académiques et culture de l’excuse

Les sciences humaines et sociales sont de plus en plus attaquées alors qu'une production accrue de savoirs est nécessaire. La sociologie est accusée d'excuser quand elle explique, d'être « militante » quand elle analyse les dominations. Le pluralisme recule dans l'enseignement d'économie, les moyens de la recherche reculent. Cette table ronde propose un point sur les libertés académiques et les atteintes qu'elles subissent.

Prisons, médias, sécurité, renseignement, religions et laïcité, intégration, discriminations, histoire et mémoires, politiques éducatives, politiques environnementales, politiques économiques... La liste est longue des domaines de la recherche en Sciences humaines et sociales ( SHS ) concernés par une remise en cause de son autonomie ou de ses moyens, tant vis-à-vis des tutelles administratives que du pouvoir politique.

Les attentats de 2015 ont mis en exergue cette problématique, notamment après les déclarations du Premier Ministre Manuel Valls : « J'en ai assez de ceux qui cherchent en permanence des excuses ou des explications culturelles ou sociologiques à ce qui s'est passé », avait-il déclaré au Sénat, deux semaines après les attaques de novembre 2015.

En janvier 2016, il résumait son propos par cette phrase désormais célèbre : " Expliquer c'est déjà vouloir un peu excuser ".

Le tollé fut quasi général au sein de la communauté scientifique tant cette position du deuxième personnage de l'État sonnait comme une accusation et une remise en cause de la démarche scientifique elle-même.

En 1988, Pierre Bourdieu rappelait que la sociologie dérange dans la mesure où elle met à nu des vérités que les gens impliqués ne sont pas prêt. e. s à entendre ( À voix nue 1 / 5, entretien avec Roger Chartier, 01 / 02 / 1988 ), le chercheur étant cantonné dans un rôle de bouc émissaire en même temps que de Cassandre.

Par ailleurs, nombre de contempteurs de la recherche en sciences humaines et sociales accusent les SHS de déresponsabiliser les individus en justifiant leurs actes par le contexte dans lequel ils vivent. C'est la fameuse « excuse sociologique » à laquelle Bernard Lahire a consacré son « Pour la sociologie ».

Comment expliquer qu'en ce début de XXIème siècle, la démarche scientifique propre aux sciences sociales soit si décriée par des gens qui la connaissent peu finalement, alors même que cette science récente et son fondateur français – Emile Durkheim - constituaient au début du XXème siècle les prototypes même de la République ? Qui peut bien avoir peur des sciences sociales ?



Une proposition du Département Société de l'Alcazar, Bibliothèques municipales de Marseille, en partenariat avec le Collectif Coudes à coudes.

Coudes à coudes est une association d'éducation populaire qui a été appelée par 680 universitaires, des personnes engagées dans le mouvement social, des artistes pour partager les savoirs utiles à l'action collective, faire entendre les situations intenables, développer partout des rencontres, des mobilisations, au-delà des clivages partisans, construire une Banque des mémoires des luttes, actuelles et passées.

Table-ronde à l'Alcazar dans le cadre du Festival des sciences scoiales Allez Savoir.