A 14h " Julie ( en 12 chapitres ) " : de Joachim Trier
Oslo. Julie a toujours été brillante, passant avec facilité et succès, les examens les plus sélectifs. Cependant, à bientôt 30 ans, elle aimerait enfin entrer dans la
vie, dans le
monde réel : se réaliser, comme on dit. Elle a donc des choix à faire mais rien n'est évident...
Le chapitrage du
film n'occulte jamais la linéarité du récit, mais souligne avec habileté les différentes facettes de l'existence de Julie, qui sont aussi celles de nos vies. On a un peu l'impression d'être dans les Contes moraux de Rohmer, face à l'horizon de tous les possibles, d'une liberté pleine et entière. Hélas ! User de cette liberté, faire des choix, revient à faire le deuil d'une partie de cette liberté, à réduire l'horizon. Nous voici donc embarqués dans des questions existentielles par lesquelles nous passons tous un jour ou l'autre, et qui sont comme autant de clichés incontournables, qu'il s'agisse du couple, de la famille, de la sexualité, du rapport homme-femme à l'heure du rééquilibrage féministe de nos sociétés : ce qui est annoncé de drame fait donc ici partie intégrante de la
comédie de la vie !
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A 16h30 " Où est Anne Franck ! " : de Ari FOLMAN
Kitty, l'amie imaginaire à qui Anne Frank avait dédié son célèbre journal, a mystérieusement pris vie, de nos jours, et cela dans la
maison-même où s'était réfugiée Anne avec sa famille, à Amsterdam, maison devenue un musée, depuis, recevant des visiteurs du
monde entier. Munie du précieux manuscrit, qui rappelle ce qu'Anne a vécu il y a plus de 75 ans, Kitty se lance à sa recherche en
compagnie de son nouvel ami, Peter, qui vient en aide aux réfugiés clandestins. Elle découvre alors, sidérée, qu'Anne est à la fois partout et nulle part. Et dans cette
Europe différente, désormais aux prises à de nouveaux enjeux, Kitty trouvera le moyen de redonner au message d'Anne sens, vie et espoir...
12 ans après Valse avec Bachir, Folman revient à l'animation exclusive. Le projet, à l'initiative du Fonds Anne Frank de Bâle, et qui a nécessité 8 ans de travail, est d'abord didactique. Il doit permettre à des jeunes de 10-11 ans de se confronter à l'
histoire de la Shoah, via le destin d'Anne Frank, en aiguillant cette réalité vers l'imaginaire du jeune public grâce aux moyens plastiques propres à l'
animation. Folman utilise même les références d'Anne, qui adorait la mythologie, pour métaphoriser en une descente chez Hadès, le Dieu des Enfers, sa fin tragique dans les camps, évitant ainsi le faux-semblant d'une confrontation avec un réalisme de l'atroce. Le second objet du film, qui s'incarne dans le personnage d'une Kitty militante, est d'interroger l'efficience d'une mémoire sclérosée, policée entre les murs d'un
musée ou aux frontons des bâtiments officiels. Pourquoi se souvenir d'Anne Frank ? En quoi ce qu'elle incarne de la Shoah peut-il aujourd'hui trouver moyen d'agir sur le monde ? Folman prend parti, et il n'est pas certain qu'il emporte l'unanimité : au-delà de la lutte permanente contre l'antisémitisme, Anne Frank peut aussi être l'égide du combat pour les droits humains. En ce sens, les destins de migrants, disparus en mer, à la rue, renvoyés, font écho au train de la mort pris par Anne et sa famille. Pour que son souvenir soit utile à la vie dans le
monde d'aujourd'hui.
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A 18h " Haut et fort " : de Nabil AYOUCH
Anas, ancien rappeur, est engagé dans le centre culturel d'un quartier populaire de Casablanca. Les jeunes, encouragés par ce nouveau professeur, vont tenter de se libérer du poids de certaines
traditions, du carcan de leurs conditions de vie, de l'ombre fondamentaliste, pour vivre leur
passion et s'exprimer à travers la
culture hip hop...
Le rap n'est certes pas une musique consensuelle. Pourtant, immanquablement, à un moment ou un autre du film, chaque spectateur prend le parti de cette bande d'ados. Sans doute est-on d'abord touché par une approche didactique qui remet le rap dans une perspective initiée par le blues et la
lutte des minorités afro-américaines. Surtout, nous sommes à Casablanca, et nous nous débarrassons, dans ce dépaysement, des clichés que le rap
véhicule trop souvent dans l'hexagone. Nous entendons alors leur plainte, on se prend à les encourager, à passer outre les tabous, à battre la mesure avec eux. Il ne s'agit pas là d'un documentaire à proprement parler. Mais chacun joue, sinon son rôle, du moins sous son nom réel et on sent la patience, l'attention de la caméra qui s'immerge au milieu d'eux, à saisir leur timidité, leur spontanéité, en épurant ainsi tout effet excessif de
mise en scène. Et cela fonctionne si bien, qu'en voyant la confiance les gagner un à un, on se sent comme l'heureux Socrate écoutant ses disciples prendre conscience du monde qui les entoure
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A 21h " Oranges Sanguines " : de Jean-Christophe MEURISSE
Miné par les dettes, un couple de retraités compte sur un
concours de rock pour se renflouer ; une jeune adolescente s'apprête pour une première nuit d'
amour ; un ministre fraudeur s'affaire à éviter toute fuite... Sur un air de film choral, délirant, le compte-à-rebours d'un monde crépusculaire est lancé dans une farandole monstrueuse à laquelle un seul mot d'ordre pourra répondre : « si vous voulez vous en sortir, vivez votre jeunesse. Merde ! Défendez-vous, personne ne viendra vous sauver ! »
À chacun son échelle de Richter du rire : certains riront du début à la fin ; d'autres sauront parfois détourner la tête pour plus de confort. Si Apnée, en 2016, rappelait parfois Les Valseuses, Oranges sanguines a un petit air mêlé d'Orange mécanique et de Taxi driver, version comédie anar, inconvenante et corrosive. Meurisse affectionne le langage fleuri. Mais nous prenons rarement les mots au sérieux, au pied de la lettre. Imaginons, pour rire, que l'on traite un quidam, de façon imagée, ne serait-ce que de « sac à m... », puis que l'on oublie « la façon » pour ne garder que l'
image... soyez certains, ça réveille ! Comme dit Jean-Christophe Meurisse, dans un monde souvent injuste et absurde, « le rire c'est ce qui nous sauve. »